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À l’écoute de la voyante

Le fait que Harry Potter sorte avec Ginny Weasley semblait susciter un grand intérêt dans toute l’école, surtout chez les filles, mais au cours des semaines qui suivirent, Harry s’aperçut qu’il avait acquis une indifférence nouvelle et joyeuse aux ragots. C’était un changement agréable de savoir qu’on parlait de lui pour quelque chose qui le rendait plus heureux que jamais, plutôt qu’à cause d’une horrible histoire de magie noire dans laquelle il aurait été impliqué.

— On pourrait penser que les gens ont des sujets de conversation plus intéressants, dit Ginny dans la salle commune, alors qu’elle lisait La Gazette du sorcier, assise par terre, le dos appuyé contre les jambes de Harry. Trois attaques de Détraqueurs en une semaine et tout ce que Romilda Vane trouve à me demander, c’est s’il est vrai que tu as un hippogriffe tatoué sur la poitrine.

Ron et Hermione éclatèrent de rire. Harry les ignora.

— Qu’est-ce que tu lui as répondu ?

— Que c’était un Magyar à pointes, déclara Ginny en tournant négligemment une page du journal. Beaucoup plus macho.

— Je te remercie, lança Harry avec un sourire. Tu lui as dit que Ron aussi avait un tatouage ?

— Oui, un Boursouflet, mais je n’ai pas précisé où.

Ron se renfrogna tandis qu’Hermione était prise de fou rire.

— Attention ! prévint-il en pointant un index menaçant sur Harry et Ginny. Le fait d’avoir donné ma permission ne signifie pas que je ne puisse pas la retirer…

 Ta permission ! s’esclaffa Ginny. Depuis quand j’ai besoin de ta permission pour faire quoi que ce soit ? De toute façon, tu as dit toi-même que tu préférais Harry à Michael ou à Dean.

— C’est vrai, admit Ron à contrecœur. À condition que vous ne commenciez pas à vous embrasser en public…

— Espèce de sale hypocrite ! Et quand toi et Lavande, on vous voyait partout enlacés comme des anguilles ? s’indigna Ginny.

Mais la tolérance de Ron ne fut guère mise à l’épreuve tandis que commençait le mois de juin car le temps que Harry et Ginny pouvaient passer ensemble était de plus en plus restreint. Les BUSE de Ginny approchaient, l’obligeant à réviser jusqu’à une heure tardive. L’un des soirs où elle s’était retirée dans la bibliothèque, Harry était resté assis près de la fenêtre, dans la salle commune, apparemment occupé à terminer un devoir de botanique. Mais en réalité, il revivait dans sa tête les moments particulièrement heureux qu’il avait passés avec elle au bord du lac, à l’heure du déjeuner. Soudain, Hermione se laissa tomber dans un fauteuil, entre Ron et lui, en affichant un air décidé qui n’annonçait rien de bon.

— Je veux te parler, Harry.

— De quoi ? demanda-t-il, soupçonneux.

La veille, déjà, elle lui avait vertement reproché de distraire Ginny au moment où elle aurait dû travailler plus que jamais pour préparer ses examens.

— Du soi-disant Prince de Sang-Mêlé.

— Oh, non, pas encore, gémit-il. Tu ne pourrais pas arrêter un peu, s’il te plaît ?

Il n’avait pas osé retourner dans la Salle sur Demande pour récupérer son livre et ses performances en cours de potions s’en étaient ressenties (bien que Slughorn, qui approuvait le choix de Ginny, en ait plaisanté en attribuant cette soudaine faiblesse aux tourments de l’amour). Harry était persuadé que Rogue n’avait pas abandonné l’espoir de mettre la main sur le livre du Prince et il était donc décidé à le laisser là où il se trouvait tant que Rogue serait à l’affût.

— Non, je n’arrêterai pas avant que tu m’aies écoutée, dit fermement Hermione. J’ai essayé de découvrir un peu qui pouvait bien s’amuser à inventer des maléfices pour passer le temps…

— Il ne faisait pas ça pour s’amuser…

— Il, il… comment sais-tu que c’est « il » ?

— On en a déjà parlé, répliqua Harry avec colère. Le Prince, Hermione, le Prince !

— C’est ça ! s’exclama Hermione.

Les joues embrasées de taches rouges, elle sortit de sa poche une très vieille coupure de journal qu’elle posa sur la table d’un geste sec, sous les yeux de Harry.

— Regarde un peu ! Regarde cette photo !

Harry prit le morceau de papier craquelé et contempla la photo mouvante et jaunie qui y était imprimée. Ron se pencha à son tour pour y jeter un coup d’œil. L’image montrait une jeune fille maigrichonne d’une quinzaine d’années. Elle n’était pas très belle, avec un long visage au teint pâle barré de gros sourcils, et paraissait à la fois maussade et courroucée. Au-dessous, une légende indiquait : « Eileen Prince, capitaine de l’équipe de Bavboules de Poudlard. »

— Et alors ? demanda Harry en parcourant le bref article qui accompagnait la photo.

Il s’agissait d’une histoire sans aucun intérêt concernant des compétitions entre écoles.

— Elle s’appelait Eileen Prince. Prince, Harry.

Ils échangèrent un regard et Harry, comprenant où elle voulait en venir, éclata d’un grand rire.

— Impossible.

— Quoi ?

— Tu penses que c’était elle, le Prince de Sang-Mêlé ? Allons…

— Et pourquoi pas ? Harry, il n’y a pas de véritables princes dans le monde des sorciers ! Ou bien c’est un surnom, un titre inventé que quelqu’un s’est donné, ou bien ce pourrait être un nom de famille. Écoute-moi ! Imaginons que son père soit un sorcier du nom de Prince et que sa mère soit une Moldue, ça ferait d’elle une Prince de Sang-Mêlé !

— Ouais, très ingénieux, Hermione…

— Mais c’est vrai ! Peut-être qu’elle était fière d’être à moitié Prince !

— Écoute, Hermione. Je suis sûr que ce n’est pas une fille, j’en suis certain.

— La vérité, c’est que pour toi, une fille ne pourrait pas être aussi intelligente, répliqua Hermione avec colère.

— Tu crois vraiment qu’après t’avoir fréquentée pendant cinq ans, je pourrais encore penser que les filles ne sont pas intelligentes ? protesta Harry, piqué au vif. C’est simplement la façon dont il écrit qui me fait dire ça. Je sais que le Prince était un garçon, je le vois bien. Cette fille n’a rien à voir dans l’histoire. Et d’abord, tu l’as trouvée où, cette coupure ?

— À la bibliothèque, répondit Hermione, comme on pouvait s’y attendre. Il y a toute une collection d’anciens numéros de La Gazette, là-bas. Je vais essayer d’en savoir plus sur cette Eileen Prince, si je peux.

— Amuse-toi bien, dit Harry, agacé.

— Compte sur moi. Et la première chose que je vais faire, lança-t-elle lorsqu’elle fut arrivée devant le trou du portrait, c’est consulter les listes des anciens élèves qui ont eu des prix en potions !

Harry la regarda sortir, les sourcils froncés, puis se plongea à nouveau dans la contemplation du ciel qui s’assombrissait.

— Elle n’a jamais pu supporter que tu sois meilleur qu’elle en potions, commenta Ron en retournant à sa lecture des Mille herbes et champignons magiques.

 Tu ne crois pas que je sois fou de vouloir récupérer ce livre ?

— Bien sûr que non, affirma Ron avec vigueur. C’était un génie, ce Prince. En tout cas… sans son conseil sur le bézoard… (d’un geste éloquent, il se passa un doigt en travers de la gorge), je ne serais plus là pour en parler. Je ne prétends pas que le maléfice dont tu t’es servi contre Malefoy soit vraiment recommandable…

— Moi non plus, dit aussitôt Harry.

— Mais il s’en est très bien remis, non ? Il était sur pied en un rien de temps.

— Oui, admit Harry – c’était parfaitement vrai mais sa conscience n’en était pas moins un peu troublée. Grâce à Rogue.

— Tu as toujours une retenue avec lui, samedi ? demanda Ron.

— Oui, et le samedi d’après et le samedi d’après, soupira Harry. Il me laisse même entendre que si je n’ai pas terminé toutes les boîtes à la fin du trimestre, on continuera l’année prochaine.

Il trouvait ces retenues d’autant plus insupportables qu’elles réduisaient encore le temps déjà limité qu’il pouvait passer avec Ginny. Dernièrement, il s’était souvent demandé si Rogue n’était pas au courant de leur relation, car il le gardait de plus en plus tard à chaque fois et lançait des petites réflexions chargées de sous-entendus sur les occasions que Harry manquait de profiter du beau temps et des diverses possibilités qu’il offrait.

L’apparition de Jimmy Peakes qui lui tendait un rouleau de parchemin l’arracha à ses sombres pensées.

— Merci, Jimmy… Hé, c’est de Dumbledore ! annonça Harry, surexcité en déroulant le parchemin qu’il parcourut rapidement. Il veut que j’aille dans son bureau le plus vite possible !

Il échangea un regard avec Ron.

— Tu crois que…, murmura celui-ci. Il aurait trouvé…

— Le mieux, c’est d’aller voir, non ? dit Harry en se levant d’un bond.

Il se dépêcha de sortir et parcourut le septième étage à toutes jambes, sans rencontrer personne d’autre que Peeves qui filait dans la direction opposée et lui lança quelques morceaux de craie, par simple routine. Avec un petit rire, il esquiva le maléfice de défense que lui jeta Harry puis disparut. Le silence revint aussitôt dans les couloirs. Il n’y avait plus qu’un quart d’heure avant le couvre-feu et la plupart des élèves étaient déjà retournés dans leurs salles communes.

Harry entendit alors un hurlement suivi d’un bruit de chute. Il s’immobilisa, tendant l’oreille.

— Comment… osez… vous… aaaaargh !

La voix venait d’un couloir proche. Harry se rua en avant, sa baguette brandie, tourna à l’angle d’un mur et vit le professeur Trelawney étalée par terre, la tête recouverte de l’un de ses nombreux châles, des bouteilles de xérès à côté d’elle, dont l’une s’était brisée sous le choc.

— Professeur…

Harry se précipita et l’aida à se relever. Quelques-unes des perles étincelantes qu’elle portait au cou s’étaient emmêlées dans ses lunettes. Elle hoqueta bruyamment, s’arrangea les cheveux et s’appuya sur le bras secourable de Harry pour se remettre debout.

— Que s’est-il passé, professeur ?

— Allez savoir ! répondit-elle d’une voix perçante. Je marchais en méditant sur certains mauvais présages dont il se trouve que j’ai eu connaissance…

Mais Harry ne l’écoutait guère. Il venait de reconnaître sur sa droite la tapisserie représentant la danse des trolls et sur sa gauche, la surface lisse et impénétrable derrière laquelle se cachait…

— Professeur, avez-vous essayé de pénétrer dans la Salle sur Demande ?

— … des présages qu’il m’a été donné de… Quoi ?

Elle eut soudain le regard fuyant.

— La Salle sur Demande, répéta Harry. Avez-vous essayé d’y pénétrer ?

— Je… eh bien… j’ignorais que les élèves connaissaient…

— Pas tous, précisa Harry. Mais qu’est-il arrivé ? Vous avez crié… Comme si vous vous étiez blessée…

— Je… eh bien, répondit le professeur Trelawney – elle resserra ses châles autour d’elle en un geste de défense et le fixa de ses yeux considérablement agrandis par ses lunettes – je souhaitais… heu… entreposer certains… heu… objets personnels dans la salle…

Elle marmonna alors quelque chose à propos « d’ignobles accusations ».

— Je comprends, dit Harry en jetant un coup d’œil aux bouteilles de xérès. Mais vous n’avez pas pu entrer pour les cacher ?

Il trouvait cela très bizarre. La salle s’était pourtant ouverte pour lui quand il avait voulu y déposer le livre du Prince de Sang-Mêlé.

— Oh, si, j’y suis entrée, reprit le professeur Trelawney qui regardait le mur d’un œil noir, mais il y avait déjà quelqu’un à l’intérieur.

— Quelqu’un à l’intérieur… Qui ? interrogea Harry d’une voix pressante. Qui était là ?

— Je n’en ai aucune idée, répondit le professeur Trelawney, quelque peu interloquée par le ton impérieux de Harry. Je me suis avancée dans la pièce et j’ai entendu une voix, ce qui ne s’était encore jamais produit depuis des années que je cache… je veux dire que j’utilise cette salle.

— Une voix ? Qui disait quoi ?

— Il ne me semble pas qu’elle disait quoi que ce soit. Elle lançait plutôt des… cris de joie.

 Des cris de joie ?

 Une véritable jubilation, assura le professeur Trelawney avec un hochement de tête.

Harry la regarda dans les yeux.

— Une voix d’homme ou de femme ?

— Je dirais plutôt d’homme.

— Et qui exprimait un grand bonheur ?

— Un intense bonheur, dit le professeur Trelawney avec dédain.

— Comme si la personne était en train de célébrer quelque chose ?

— Exactement.

— Et ensuite ?

— Ensuite, j’ai demandé : « Qui est là ? »

— Vous n’auriez pas pu savoir qui c’était sans poser la question ? demanda Harry, légèrement contrarié.

— Mon troisième œil, répondit le professeur Trelawney d’un ton digne en rajustant ses châles et ses nombreux rangs de perles, était concentré sur des sujets bien éloignés du monde bassement matériel où retentissent les cris de joie.

— C’est ça, dit Harry.

Il n’avait que trop souvent entendu parler du troisième œil du professeur Trelawney.

— Et la voix vous a répondu ?

— Non. Soudain, la salle a été plongée dans l’obscurité et j’ai été jetée dehors, tête la première.

— Vous n’aviez rien vu venir ? demanda Harry, incapable de se retenir.

— Non, car, comme je vous l’ai dit, l’obscurité… Elle s’interrompit et lui lança un regard soupçonneux.

— Je pense que vous devriez en parler au professeur Dumbledore, conseilla Harry. Nous devons savoir ce que Malefoy célébrait – je veux dire la personne qui vous a jetée hors de la salle.

En entendant cette suggestion, le professeur Trelawney, à la grande surprise de Harry, se redressa d’un air hautain.

— Le directeur m’a laissé entendre qu’il souhaitait voir mes visites s’espacer, répliqua-t-elle avec froideur. Je n’ai pas pour habitude d’imposer ma compagnie aux gens qui ne l’apprécient guère. Si Dumbledore choisit d’ignorer les avertissements que je lis dans les cartes…

Ses doigts osseux se refermèrent brusquement sur le poignet de Harry.

— À chaque fois, quelle que soit la façon dont je les tire…

D’un geste théâtral, elle sortit une carte de sous ses châles.

— … la Maison-Dieu apparaît, murmura-t-elle, la tour frappée par la foudre. Calamité. Désastre. Qui se rapprochent toujours un peu plus…

— C’est ça, répéta Harry. Eh bien, je crois quand même que vous devriez raconter à Dumbledore l’histoire de cette voix, de l’obscurité soudaine et de votre expulsion de la salle…

— Vous pensez vraiment ?

Le professeur Trelawney sembla réfléchir un moment mais Harry était sûr que l’idée de faire à nouveau le récit de sa petite aventure la séduisait.

— Je vais justement le voir maintenant, dit Harry. J’ai rendez-vous avec lui. Nous pourrions y aller ensemble.

— Bon, dans ce cas…, répondit-elle avec un sourire.

Elle se pencha, ramassa ses bouteilles de xérès et les fourra sans cérémonie dans un grand vase bleu et blanc exposé dans une niche proche.

— Je regrette de ne plus vous avoir dans ma classe, Harry, dit-elle d’un ton ému, tandis qu’ils repartaient ensemble dans le couloir. Vous n’étiez pas vraiment un voyant… Mais vous étiez un merveilleux sujet…

Harry ne répondit pas. Il avait toujours détesté que le professeur Trelawney le prenne pour sujet de ses prédictions en lui promettant sans cesse les plus grands malheurs.

— J’ai bien peur, poursuivit-elle, que le canasson – pardon, le centaure – ne sache rien de la cartomancie. Je lui ai demandé – entre voyants – si lui aussi avait senti les lointaines vibrations d’une catastrophe imminente. Mais il a eu l’air de me trouver presque comique. Oui, comique !

Sa voix était devenue quasiment hystérique et, bien qu’elle ait laissé les bouteilles derrière elle, Harry sentit une bouffée de xérès.

— Le cheval a peut-être entendu dire que je n’avais pas hérité du don de mon arrière-arrière-grand-mère. Pendant des années, cette rumeur a été colportée par des jaloux. Vous savez ce que je réponds à ces gens-là, Harry ? Je leur réponds : « Croyez-vous que Dumbledore m’aurait laissée enseigner dans sa prestigieuse école, qu’il m’aurait accordé une telle confiance pendant toutes ces années, si je n’avais pas fait mes preuves auprès de lui ? »

Harry marmonna quelques mots indistincts.

— Je me souviens très bien de ma première entrevue avec Dumbledore, poursuivit le professeur Trelawney d’une voix gutturale. Il a été profondément impressionné, bien sûr, profondément impressionné… Je séjournais à La Tête de Sanglier, un établissement que je ne recommanderais pas, soit dit en passant – figurez-vous, mon cher, qu’il y a des punaises dans les lits –, mais mes finances étaient au plus bas. Dumbledore a eu la courtoisie de me rendre visite dans ma chambre, à l’auberge. Il m’a posé des questions… je dois avouer qu’au début, il m’a semblé assez mal disposé à l’égard de la divination… et je me souviens que je me suis sentie un peu bizarre, tout à coup, je n’avais pas mangé grand-chose ce jour-là… Mais à ce moment…

Pour la première fois, Harry l’écouta attentivement car il savait ce qui s’était passé ensuite : le professeur Trelawney avait fait la prophétie qui devait entièrement changer le cours de sa vie, la prophétie sur lui et Voldemort.

— … mais à ce moment, nous avons été grossièrement interrompus par Severus Rogue !

— Quoi ?

— Oui, il y a eu une grande agitation derrière la porte, elle s’est ouverte d’un coup et le barman de l’établissement, un personnage assez fruste, est apparu avec Rogue qui prétendait s’être trompé de chemin, mais moi je pense plutôt qu’il avait été surpris en train d’écouter ma conversation avec Dumbledore. Vous comprenez, lui aussi cherchait un emploi à l’époque et il espérait sans aucun doute obtenir quelques informations ! Après cela, voyez-vous, Dumbledore a paru plus disposé à me confier un poste et je n’ai pu m’empêcher de songer, Harry, que c’était parce qu’il avait su apprécier le contraste frappant entre mon attitude réservée, mon talent manifeste mais discret, et le comportement agressif, arrogant, de ce jeune homme qui était prêt à écouter aux portes pour parvenir à ses fins – Harry, mon cher ?

Elle regarda par-dessus son épaule après s’être rendu compte que Harry n’était plus à côté d’elle. Il s’était arrêté net et se trouvait à présent trois mètres en arrière.

— Harry ? répéta-t-elle, incertaine.

Peut-être avait-il le teint pâle pour qu’elle ait l’air si inquiète, si effrayée ? Harry demeura immobile tandis que des ondes de choc le submergeaient, comme une succession de vagues, effaçant tout de son esprit en dehors de cette information qui lui avait été si longtemps cachée…

C’était Rogue qui avait entendu la prophétie en écoutant aux portes. Rogue qui était allé la répéter à Voldemort. C’était à cause de Rogue et de Peter Pettigrow que Voldemort était parti tuer Lily, James et leur fils…

En cet instant, plus rien d’autre n’avait d’importance pour Harry.

— Harry ? dit à nouveau le professeur Trelawney. Harry… je croyais que nous devions aller voir le directeur ensemble ?

— Restez ici, répondit-il, parvenant à peine à remuer les lèvres.

— Mais, mon cher… Je voulais lui raconter comment j’avais été agressée dans la Salle sur…

— Restez ici ! répéta Harry avec colère.

Elle parut alarmée lorsqu’il passa devant elle en courant avant de disparaître dans le couloir où la gargouille solitaire gardait l’entrée du bureau de Dumbledore. Harry cria le mot de passe et monta quatre à quatre l’escalier mobile. Il ne se contenta pas de frapper à la porte mais tambourina de toutes ses forces.

— Entrez, répondit la voix calme de Dumbledore, alors que Harry s’était déjà précipité dans la pièce.

Fumseck, le phénix, tourna la tête, ses yeux noirs et brillants reflétant la lueur dorée du soleil couchant, de l’autre côté de la fenêtre. Dumbledore, debout devant la vitre, contemplait le parc, une longue cape noire sur le bras.

— Eh bien, Harry, je t’avais promis que tu pourrais venir avec moi.

Pendant un instant, Harry ne comprit pas. La conversation avec Trelawney avait chassé de sa tête toute autre pensée et son cerveau paraissait fonctionner au ralenti.

— Venir… avec vous ?

— Seulement si tu le souhaites, bien sûr.

— Si je…

Harry se souvint alors de la première raison pour laquelle il avait été si impatient de rejoindre Dumbledore dans son bureau.

— Vous en avez trouvé un ? Vous avez découvert un Horcruxe ?

— Je le crois.

La rage et le ressentiment combattaient en lui la surprise et l’excitation : pendant un moment, Harry fut incapable de parler.

— Il est normal d’éprouver de la crainte, dit Dumbledore.

— Je n’ai pas peur ! répliqua aussitôt Harry.

C’était parfaitement vrai. La peur était absente des émotions qu’il ressentait.

— De quel Horcruxe s’agit-il ? Où est-il ?

— Quel Horcruxe ? Je l’ignore, mais je pense que nous pouvons exclure le serpent. Je suis convaincu, en tout cas, qu’il est caché dans une caverne, sur la côte, très loin d’ici, une caverne que j’essaye depuis bien longtemps de localiser : celle où le jeune Tom Jedusor a un jour terrorisé deux de ses camarades de l’orphelinat lors de leur excursion annuelle, tu te souviens ?

— Oui, dit Harry. Comment est-il protégé ?

— Je ne le sais pas. J’ai quelques idées qui pourraient se révéler entièrement fausses.

Après un moment d’hésitation, Dumbledore ajouta :

— Harry, je t’ai promis que tu pourrais venir avec moi et je tiendrai cette promesse, mais j’aurais grand tort de ne pas t’avertir des extrêmes dangers de cette expédition.

— Je viens, répondit Harry, presque avant que Dumbledore ait fini sa phrase.

Il bouillait de fureur contre Rogue et son désir de se lancer dans une action risquée, téméraire même, avait décuplé en quelques minutes. Apparemment, le visage de Harry trahissait ce sentiment car Dumbledore s’écarta de la fenêtre et s’avança vers lui pour le regarder avec plus d’attention, un léger pli entre ses sourcils argentés.

— Que t’est-il arrivé ?

— Rien, affirma Harry.

— Pourquoi es-tu si bouleversé ?

— Je ne suis pas bouleversé.

— Harry, tu n’as jamais été un très bon occlumens… Le mot fut l’étincelle qui fit exploser sa fureur.

— Rogue ! s’exclama-t-il d’une voix retentissante.

Derrière eux, Fumseck lança un léger cri.

— Rogue, voilà ce qui m’est arrivé ! C’est lui qui a rapporté la prophétie à Voldemort, lui qui a écouté à la porte, Trelawney me l’a dit !

L’expression de Dumbledore ne changea pas mais Harry eut l’impression qu’il avait pâli sous la lueur rouge sang que projetait le soleil couchant. Pendant un long moment, il resta silencieux.

— Quand as-tu découvert cela ? demanda-t-il enfin.

— Il y a quelques instants ! répondit Harry qui avait les plus grandes difficultés à ne pas hurler.

Soudain, il lui fut impossible de se contenir plus longtemps :

— ET VOUS LUI AVEZ PERMIS D’ENSEIGNER ICI, ALORS QUE C’EST LUI QUI A LANCÉ VOLDEMORT SUR LES TRACES DE MA MÈRE ET DE MON PÈRE !

La respiration haletante, comme s’il était en plein combat, Harry se détourna de Dumbledore qui n’avait toujours pas remué un muscle, et fit les cent pas dans la pièce, frottant les jointures de ses doigts, se retenant à grand-peine de tout renverser sur son passage. Il aurait voulu déchaîner sa rage contre Dumbledore mais il voulait aussi l’accompagner dans sa tentative de détruire l’Horcruxe. Il aurait voulu lui dire qu’il était un vieillard imbécile pour avoir accordé sa confiance à Rogue mais il avait très peur que Dumbledore renonce à l’emmener avec lui s’il ne parvenait pas à maîtriser sa colère…

— Harry, dit alors Dumbledore à voix basse. Veux-tu bien m’écouter, s’il te plaît ?

Il eut autant de mal à cesser d’arpenter la pièce qu’à s’empêcher de hurler. Il s’arrêta enfin, se mordant la lèvre, et regarda en face le visage ridé de Dumbledore.

— Le professeur Rogue a commis une terrible…

— Ne me dites pas que c’était une erreur, monsieur, il écoutait à la porte !

— Laisse-moi finir, s’il te plaît.

Dumbledore attendit que Harry ait acquiescé d’un bref signe de tête avant de poursuivre :

— Le professeur Rogue a commis une terrible erreur. Il était toujours au service de Lord Voldemort le soir où il a entendu la première moitié de la prophétie du professeur Trelawney. Naturellement, il s’est hâté d’en rapporter les termes à son maître puisque celui-ci était concerné au premier chef. Mais il ne savait pas – il n’avait aucun moyen de le savoir – quel était le garçon que Voldemort devait éliminer. Il ne savait pas non plus que les parents qu’il allait tuer dans sa quête meurtrière étaient des personnes que le professeur Rogue connaissait, il ignorait qu’il s’agissait de ta mère et de ton père…

Harry éclata d’un rire sans joie.

— Il haïssait mon père autant qu’il haïssait Sirius ! N’avez-vous jamais remarqué, professeur, comme les gens que déteste Rogue ont une très nette tendance à mourir prématurément ?

— Tu n’as aucune idée du remords qu’a éprouvé le professeur Rogue lorsqu’il a compris comment Lord Voldemort avait interprété la prophétie, Harry. Je suis persuadé que c’est le plus grand regret de sa vie et la raison pour laquelle il est retourné…

— Mais lui est un très bon occlumens, n’est-ce pas, monsieur ? l’interrompit Harry dont la voix tremblait sous ses efforts pour la maîtriser. Et Voldemort n’est-il pas convaincu que Rogue est de son côté, encore maintenant ? Professeur… comment pouvez-vous être certain que Rogue est dans notre camp ?

Dumbledore resta silencieux un moment, comme s’il réfléchissait avant de prendre une décision. Enfin, il répondit :

— J’en suis sûr. J’ai entièrement confiance en Severus Rogue.

Harry respira profondément pour essayer de se calmer. Sans succès.

— Eh bien, moi pas ! lança-t-il d’une voix toujours tonitruante. Il prépare quelque chose avec Drago Malefoy en ce moment même, juste sous votre nez, et vous continuez…

— Nous avons déjà parlé de cela, Harry, coupa Dumbledore, l’air à nouveau sévère. Je t’ai exposé mon point de vue.

— Vous quittez l’école cette nuit et je parie que vous n’avez même pas envisagé que Rogue et Malefoy puissent décider…

— Décider quoi ? interrogea Dumbledore en haussant les sourcils. Qu’est-ce que tu les soupçonnes de faire, exactement ?

— Je… Ils préparent quelque chose ! affirma Harry en serrant les poings. Le professeur Trelawney est entrée tout à l’heure dans la Salle sur Demande pour essayer d’y cacher des bouteilles de xérès et elle a entendu Malefoy pousser des cris de joie, comme s’il célébrait une victoire ! Il essayait de réparer un objet dangereux là-dedans et si vous voulez mon avis, il a enfin réussi, alors que vous vous apprêtez à quitter l’école sans…

— Assez, l’interrompit Dumbledore.

Il avait parlé d’une voix très calme et pourtant Harry se tut à l’instant même. Il savait qu’il avait fini par franchir une ligne invisible.

— Crois-tu que j’aie laissé une seule fois l’école sans protection au cours de mes absences ? Non. Ce soir, quand je partirai, des mesures supplémentaires seront encore mises en place. N’essaye pas, je t’en prie, d’insinuer que je ne prends pas au sérieux la sécurité de mes élèves, Harry.

— Je n’ai pas dit que…, marmonna Harry un peu honteux, mais Dumbledore l’interrompit :

— Je ne souhaite pas parler plus longtemps de ce sujet.

Harry ravala sa réplique, craignant d’être allé trop loin et d’avoir perdu toute chance d’accompagner Dumbledore, mais celui-ci reprit :

— Veux-tu venir avec moi, ce soir ?

— Oui, répondit aussitôt Harry.

— Très bien. Alors, écoute.

Dumbledore se redressa de toute sa taille.

— Je ne t’emmène qu’à une seule condition : que tu obéisses immédiatement et sans la moindre discussion à toute instruction que je pourrais te donner.

— Bien sûr.

— Comprenons-nous bien, Harry, je veux dire par là que tu dois même obéir à des ordres tels que « fuis », « cache-toi » ou « retourne en arrière ». J’ai ta parole ?

— Je… Oui, bien sûr.

— Si je te dis de te cacher, tu le feras ?

— Oui.

— Si je t’ordonne de fuir, tu obéiras ?

— Oui.

— Si je te dis de me laisser et de te sauver tout seul, tu m’écouteras ?

— Je…

— Harry ?

Ils se regardèrent pendant un moment.

— Oui, monsieur.

— Très bien. Maintenant, je voudrais que tu ailles chercher ta cape d’invisibilité et que tu me retrouves dans cinq minutes dans le hall d’entrée.

Dumbledore se retourna pour regarder au-dehors, à travers la fenêtre embrasée par le crépuscule. Le soleil n’était plus qu’une lueur couleur rubis au long de la ligne d’horizon. Harry s’empressa de quitter le bureau et descendit l’escalier en colimaçon. Tout à coup, il avait l’esprit étrangement clair. Il savait exactement ce qu’il devait faire.

Lorsqu’il revint dans la salle commune, il trouva Ron et Hermione assis côte à côte.

— Qu’est-ce que voulait Dumbledore ? demanda aussitôt Hermione. Harry, ça va ? ajouta-t-elle d’un ton anxieux.

— Ça va très bien, répondit brièvement Harry en passant très vite devant eux.

Il se rua dans l’escalier puis dans le dortoir où il ouvrit à la volée le couvercle de sa grosse valise dans laquelle il prit la carte du Maraudeur et une paire de chaussettes roulées en boule. Puis il redescendit dans la salle commune en dévalant les marches, s’arrêtant dans une glissade devant Ron et Hermione, visiblement abasourdis.

— Je n’ai pas beaucoup de temps, dit-il d’une voix haletante. Dumbledore pense que je suis venu chercher ma cape d’invisibilité. Écoutez…

Il leur raconta en quelques mots où il allait et pourquoi, sans tenir compte des exclamations horrifiées d’Hermione ni des questions précipitées de Ron. Ils pourraient toujours imaginer les détails eux-mêmes un peu plus tard.

— Vous comprenez ce que ça signifie ? acheva Harry en parlant très vite. Dumbledore ne sera pas là cette nuit, donc Malefoy aura à nouveau le champ libre pour agir. Non, écoutez-moi ! lança-t-il avec colère en voyant Ron et Hermione sur le point de l’interrompre. Je sais que c’était Malefoy qui poussait des cris de joie dans la Salle sur Demande. Tiens – il fourra la carte du Maraudeur dans la main d’Hermione –, il faut le surveiller et surveiller Rogue, aussi. Prenez avec vous tous les membres de l’A.D. que vous pourrez rassembler. Hermione, tes faux Gallions qui servaient à se donner rendez-vous doivent toujours marcher, non ? Dumbledore dit qu’il a pris des mesures de protection supplémentaires mais si Rogue est dans le coup, il les connaît et sait comment les déjouer – seulement, il ne s’attendra pas à ce que vous soyez tous en alerte.

— Harry…, commença Hermione, les yeux écarquillés de terreur.

— Je n’ai pas le temps de discuter, répliqua-t-il sèchement. Prends aussi ça – il mit les chaussettes dans la main de Ron.

— Merci, dit Ron. Heu… pourquoi est-ce que j’aurais besoin de chaussettes ?

— Tu auras besoin de ce qu’il y a dedans. C’est le Felix Felicis. Vous vous le partagerez, donnez-en aussi à Ginny. Dites-lui au revoir de ma part. Il faut que j’y aille, maintenant, Dumbledore m’attend…

— Non ! s’exclama Hermione tandis que Ron, impressionné, sortait le petit flacon de potion dorée. Nous n’en voulons pas, garde-le, qui sait ce que tu devras affronter ?

— Je n’ai rien à craindre, je serai avec Dumbledore, répondit Harry. Je veux être sûr que ça se passe bien pour vous… Ne fais pas cette tête-là, Hermione. À plus tard…

Et il repartit, se glissant à travers le trou du portrait pour filer en direction du hall d’entrée.

Dumbledore l’attendait devant les portes de chêne. Il se retourna alors que Harry surgissait sur la plus haute marche de pierre, le souffle court, un point de côté lui déchirant le flanc.

— Je voudrais que tu mettes ta cape, s’il te plaît, dit Dumbledore.

Il attendit que Harry s’en soit enveloppé avant d’ajouter :

— Très bien. On y va ?

Dumbledore descendit les marches, sa propre cape de voyage remuant à peine dans l’air immobile de l’été. Sous sa cape d’invisibilité, Harry, toujours haletant, ruisselant de sueur, se hâtait à côté de lui.

— Que va-t-on penser si on vous voit partir, professeur ? demanda-t-il en pensant à Malefoy et à Rogue.

— Que je suis allé boire un verre à Pré-au-Lard, répondit Dumbledore d’un ton léger. Il m’arrive parfois d’honorer Rosmerta de ma clientèle ou de faire un tour à La Tête de Sanglier… en apparence tout au moins. C’est une manière comme une autre de dissimuler ma véritable destination.

Ils suivirent l’allée dans la nuit qui commençait à tomber autour d’eux. L’herbe tiède, l’eau du lac et le feu de bois dont la fumée s’élevait de la cabane de Hagrid embaumaient l’atmosphère. On aurait eu du mal à croire qu’ils s’apprêtaient à affronter quelque chose de dangereux ou d’effrayant.

— Professeur, dit Harry à voix basse lorsque le portail se dessina au bout de l’allée. Allons-nous transplaner ?

— Oui, répondit Dumbledore. Je crois que tu y arrives, maintenant ?

— Oui. Mais je n’ai pas encore mon permis.

Il préférait être franc. Que se passerait-il s’il gâchait tout en se retrouvant à cent cinquante kilomètres de l’endroit où il était censé se rendre ?

— Ça ne fait rien, le rassura Dumbledore. Je peux t’aider à nouveau.

Ils franchirent le portail et s’engagèrent sur la route déserte de Pré-au-Lard, dans les dernières lueurs du crépuscule. L’obscurité gagnait rapidement à mesure qu’ils avançaient et, quand ils atteignirent la grand-rue, la nuit tombait pour de bon. Des lumières scintillaient aux fenêtres, au-dessus des boutiques. Lorsqu’ils approchèrent des Trois Balais, ils entendirent des éclats de voix retentissants.

— Et ne remets plus jamais les pieds ici ! hurlait Madame Rosmerta en expulsant avec vigueur un sorcier à l’aspect crasseux. Oh, bonsoir, Albus… Vous sortez bien tard…

— Bonsoir, Rosmerta, bonsoir… Pardonnez-moi mais je vais à La Tête de Sanglier… Ne m’en veuillez pas, j’ai simplement envie d’une atmosphère un peu plus tranquille, ce soir…

Une minute plus tard, ils tournèrent à l’angle de la petite rue où l’enseigne de La Tête de Sanglier grinçait un peu, malgré l’absence de vent. À la différence des Trois Balais, le pub était complètement vide.

— Nous n’aurons pas besoin d’entrer, murmura Dumbledore en jetant des regards autour de lui. Du moment que personne ne nous voit partir… Prends-moi le bras, Harry. Inutile de serrer trop fort, je ne ferai que te guider. À trois, attention… un… deux… trois…

Harry se tourna et éprouva aussitôt cette horrible impression de s’enfoncer dans un épais tuyau de caoutchouc. Il ne parvenait plus à respirer, chaque partie de son corps était comprimée presque au-delà du supportable. Enfin, au moment où il était sur le point d’étouffer, les bandelettes invisibles semblèrent se déchirer et il se retrouva debout dans un endroit froid, obscur, respirant à pleins poumons des bouffées d’air frais et salé.

 

Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé
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